Rituel.

Le bac d'eau attendait au centre la pièce. L'orc y jeta des pierres portées à blanc par le brasero pour la chauffer. Tranquillement, il y jeta des racines qu'il prit soin de débarrasser de toute terre, et des herbes shamaniques qu'il avait gardé pour l'occasion. Il prit aussi une poignée de feuilles tombées de l'arbre mère des Elfes qu'il plongea dans l'eau, qui était brûlante désormais.

Sur la planche qui traversait ce bac, il y déposa des pierres sur lesquelles étaient gravés les différents animaux totems des familles Orcs d'Elmore, des cochenilles dans un petit plateau et une fine lame d'argent. L'Orc se dévêtit et plongea dans la baignoire de bois, en psalmodiant de vielles phrases oubliées dans son langage natal.
Il écrasa lentement les cochenilles dans l'assiette avec ses pierres, pour obtenir une pâte d'un rouge éclatant. Puis, d'un mouvement assuré, s'entailla le visage avec la lame d'argent, tout en prononçant le nom de ses aïeuls disparus au combat à chaque coupure.
Il se rinça le visage avec l'eau du bac dans lesquelles baignaient les plantes médicinales, nettoyant les peintures de guerres qui ornaient ses yeux et ses pommettes. Puis, du bout des doigts, passa lentement la pâte écarlate de cochenille sur ses plaies fraîchement ouvertes, colorant à jamais sa peau meurtrie.
L'eau du bac devint rosâtre, puis rouge profond. L'orc se baignait dans son propre sang, se nourrissant de sa propre force.

Lorsqu'il en sortit, il s'enveloppa dans une grande peau de Silenos à la fourrure immaculée, et s'assit en tailleur près du brasero qui chauffait les pierres. Il y jeta une autre poignée d'herbes shamanique, enfumant toute la pièce. De son armure jetée négligemment a proximité, il sortit une petite bourse de cuir qu'il vida dans le creux de sa main. Toute une collection de dents était là, dans sa paume. Des crocs de loups, d'humain, d'elfes, de sombres, et même d'orcs et quelques molaires de nains. Des trophées ramassés sur des ennemis de valeurs. Il leva ses yeux embrumés par la fumée des herbes en direction de la porte et se mit à vociférer: "Femelle! Entres! Il est temps de me coiffer!!"

La porte s'ouvrit, baignant la pièce de la lumière extérieure. Une silhouette féline se glissa dans la pièce, prenant avec elle un plateau ouvragé sur lequel de l'argile d'Elmore attendait, tamisé à sec et débarrassé de toute impureté.
La femme était une sombre magnifique, largement payée pour aider l'orc à finir son rituel. Elle s'était présentée dans la pièce nue, seulement vêtue de bijoux rituels que lui avait confié le destructeur. Plusieurs jours auparavant, l'orc avait conclu un marché avec elle. Elle l'aidait à faire ce rite qu'il ne pouvait achever seul, et elle était largement payée pour cela, tout en ayant la possibilité de garder les bijoux qu'il lui confierait pour le rituel. Tout ce qu'elle avait à faire, c'était de le coiffer suivant une façon précise, qu'il lui expliqua longuement.

La sombre s'assit derrière l'orc, lui découvrant les épaules de la peau de bête dans lequel il s'était emmitouflé. Elle saisit un peigne en os, et lissa ses cheveux, qu'il avait laissé pousser depuis quelques lunes. Lui s'affairait à nettoyer les pierres gravées de la teinture de cochenille, répétant inlassablement les mêmes phrases en Orc.
Une fois les cheveux lissés, la beauté sombre humecta la poudre d'argile avec l'eau sanguinolente du bain, la transformant en une pâte rosâtre. Puis elle commença le long travail de tressage des cheveux, refermant chaque tresse sur une dent collectée par l'orc, laquelle était soigneusement collé avec l'argile. Elle ne prononça aucun mot durant toute la séance de tressage. Seul parlait, ou plutôt communiait, l'orc, répétant sans cesse les même phrases étranges. De temps à l'autre, il jetait une nouvelle poignée d'herbes dans le feu, enfumant toujours plus la pièce mal éclairée.

Les tresses finies, la coiffeuse sombre les rassembla pour les attacher avec un anneau d'os. Chaque tresse avait une dent, chaque dent appartenant à un ennemi valeureux. La force de ses ennemis ferait désormais partie intégrante de l'orc, car son sang contenu dans l'argile séché la retiendrait prisonnière à jamais.

"Femme, apportes mon arme maintenant!". La splendide créature se leva et traversa la pièce d'un pas chaloupé, empoignant la gigantesque épée du destructeur, et la lui tendit. L'orc l'attrapa et pris soin de défaire le tressage de cuir de la poignée, tandis que la créature de la nuit se rassit près du feu, observant attentivement la suite des évènements. Il fit tremper la lanière de cuir dans le bain écarlate, imprégnant la peau tannée par les années de combats de son propre sang. Puis il réajusta soigneusement la lanière de cuir sur la soie de son épée, tandis que la pseudo prêtresse entreprit de lui masser ses larges épaules durant ce travail minutieux.

Le travail de tressage fini, l'orc pu enfin s'exprimer: "Voilà, c'est fait. Je n'ai plus qu'à m'entraîner désormais pour de montrer digne de créer une alliance avec la famille Orc la plus puissante d'Aden, les Ketras…"

L'histoire ne raconte pas ce qu'il c'est passé dans la pièce entre l'orc et la sombre, durant les nombreuses heures qui suivirent…